1/ Une organisation dite « agile » qui bouleverse le modèle managérial
L’organisation dite
« agile » [1] vise à s’adapter à l’évolution
permanente des attentes du public, des procédures et des outils
numériques. Le travail s’exécute en mode
projet et devient plus collaboratif, participatif, itératif, incrémental,
transversal et adaptatif. Les salariés sont rendus plus autonomes sur leurs
tâches, moins segmentés par métiers mais toute l’équipe devra rendre compte du
résultat final. C’est la « dé-taylorisation » des métiers.
Le formalisme est alors réduit au
strict minimum afin de fluidifier le plus possible la coopération au sein de l’équipe.
Cette évolution supprime une partie des échelons hiérarchiques. Les
organigrammes pyramidaux s’estompent au profit d’une hiérarchie plate par
cercles de compétences. Un collaborateur peut appartenir à plusieurs cercles et
donc avoir plusieurs rôles selon ses compétences.
Les cercles sont tout à la fois
indépendants car gouvernés de manière autonome dans l’organisation et
interdépendants car connectés par des responsables coordonnateurs travaillant
dans plusieurs cercles. Les circuits de validation sont plus raccourcis pour
gagner en réactivité.
Autre modification induite par le
numérique : les initiatives individuelles des acteurs de terrain sont
encouragées. Les managers, au premier chef ceux de proximité, sont invités à
faire confiance, à développer l’autonomie et à responsabiliser plutôt qu’à mettre
en place un contrôle a priori et des comptes rendus d’activités (« reporting »). Ils doivent ajouter à
leurs compétences traditionnelles - orientation/résultats et développement des
personnes - des compétences managériales nouvelles : management de projet,
management à distance et animation de communautés. Au lieu de décisions qui
partent du haut et s’appliquent dans les services d’exécution (sommet-base ou
« top-down »), les
expériences locales qui fonctionnent sont dupliquées (modèle base-sommet ou
« bottom-up »). Les retours
d’expérience des administrés et des agents prennent une importance majeure.
Cette optique est souvent illustrée par la phrase de
l’ancien PDG d’Apple, Steve Jobs, qui affirmait que : « Ça n’a pas de sens d’embaucher des gens
intelligents puis de leur dire quoi faire. Nous embauchons des gens
intelligents afin qu’ils puissent nous dire ce qu’il faut faire ». Ce mode
de travail permet de tester de nombreuses idées localement et ensuite de les
généraliser si les premiers tests sont concluants.
Lieux de développement des
prototypes et des tests, les modes d’organisation parallèles (intrepreuneriat,
start-ups d’État, Labs, voir ci-dessous) qui se développent en marge des
organisations traditionnelles symbolisent cette évolution[2].
2/ Le travail à distance : travail mobile et télétravail
Les équipements informatiques et réseaux sécurisés en ligne
permettent désormais de consulter partout les bases et applications nécessaires
au travail. Cette évolution peut faciliter l’exercice des missions des salariés
mobiles. Elle facilite également le télétravail.
En France, les télétravailleurs du secteur privé estimés à 8 %
de la population active en 2009[3]
aurait dépassé aujourd’hui 17 % [4]
contre 4 % dans le secteur public. Ces chiffres sont inférieurs à la
moyenne européenne qui approche 20 %. Dans les pays scandinaves, le taux
dépasse 30 %.
Dans les services, en particulier
les banques, le télétravail se développe dès lors que les personnes ne
travaillent pas sur des activités de production sensibles (opérations clients,
paiements, trading). La durée optimale constatée est de deux jours par semaine
car au-delà il devient plus difficile d’intégrer une personne dans la vie de
l’équipe. De plus en plus d’organisations louent des « tiers-lieux »,
aussi bien équipés et aménagés que leurs locaux, espaces de « coworking » où les salariés peuvent
se rendre près de leur domicile pour bénéficier des meilleurs équipements de
travail en partage avec des salariés d’autres entreprises et des indépendants[5]. 56 %
des salariés ne pratiquant pas le télétravail désirent le faire dans le futur[6].
La principale difficulté pour l’essor de ce nouveau mode de
travail est les réticences de l’encadrement qui n’a pas partout intégré la
transition indiquée ci-dessus d’un management par le contrôle vers un
management par les objectifs. Un travail de formation et d’accompagnement en ce
sens est jugé prioritaire dans les banques. Après avoir dépassé ces réticences
de l’encadrement, il faut nécessairement que chaque salarié dispose d’un
ordinateur performant lui permettant d’accéder à l’ensemble des applications
métiers et ce indépendamment du lieu où il se trouve.
3/ L’aménagement des espaces et les laboratoires d’innovation.
Les nouveaux espaces de travail aujourd’hui privilégiés par
les grandes organisations sont des espaces ouverts et conviviaux, favorisant
l’échange et la coopération. Sont actuellement rejetés tant les espaces
traditionnelles marquées par l’appropriation individuelle d’un espace défini que
l’anonymat des « open spaces »
(locaux ouverts). Les espaces de travail actuellement choisis par les
entreprises, lorsqu’elles entreprennent des déménagements ou des travaux
copient les modèles initiés par les GAFAM : environnement incorporant des
espaces de travail, des lieux de détente et de co-création type ateliers, sans
aucun bureau attitré. Les start-ups
extérieurs sont admises dans les locaux afin qu’elles interagissent avec une
partie des collaborateurs. Cette organisation spatiale a par exemple été adopté
par la Société Générale au sein de ses nouveaux locaux à Val-de-Fontenay[1].
Des lieux ou espaces d’innovation sont par ailleurs mis en
place sous différents noms ayant en commun le mot « labs »[2]. On
parle également de lieux d’incubation. Ces lieux doivent libérer la parole des
agents qui n’ont ni à demander de validation ni à faire de rapport à leur
hiérarchie. Piloté par un « facilitateur », appuyé par un
« intrapreneur »[3] leur ergonomie
a pour objet de favoriser la créativité, l’expérimentation, la découverte, la
prise de risque, l’intelligence collective, le travail collaboratif, l’innovation
des acteurs publics, « l’ambidextrie » [4], les
méthodes de travail innovantes[5], l’association
d’une diversité d’acteurs – dont des usagers – dans un processus de co-création
de l’innovation publique. Les labs sont des structures à durée de vie brève (un
à deux ans) [6].
[1] Quand
Société Générale copie Google et la culture cool de la Silicon Valley,
article de La Tribune du 18 octobre 2016.
[2] « Open labs », « fab labs », «
living labs », « creative labs », « espaces de coworking » « design labs ».
[3] L’intrapreneuriat
: un agent est chargé du projet et le développe avec les ressources allouées.
[4] Concept
qui traduit la capacité des individus à concilier leur activité habituelle
d’exploitation à des activités d’exploration Aubouin N. Le Chaffotec A.,
l’Espace comme instrument de l’innovation publique : le cas des opens labs
dans les institutions publiques de la santé et de la culture politiques et
management public p. 207-229, décembre 2017.
[5]
« Design sprint » pour le cadrage du projet, « Scrum » pour
les cycles de développement, l’association des utilisateurs finaux Magali
Barnoin, manager de l’innovation et de la transformation. Département des
Alpes-Maritimes. Revue du gestionnaire public – 2 mai 2019.
[6]
Intervention de M. Stéphane VINCENT, délégué général de La 27e
Région, aux rencontres des acteurs publics 2019 le 26 juin 2019 (https://www.acteurspublics.fr/webtv/emissions/les-rencontres-des-acteurs-publics/debat-illusion-ou-revolution-a-quoi-servent-les-labs-publics).
[1] The
Agile Manifesto (août 2001).
[3] Etude
du Centre d’Analyse Stratégique 2009.
[4]
Rapport Mettling. op. cit..
[5] La
France compte aujourd’hui 728 espaces de coworking dont 218 en Ile-de-France.
[6]
Enquête La Tribune, (janvier 2018).
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