
- "Etre libre, être soi, s’épanouir, pour soi, en soi, avec soi ou à la limite ceux de son clan". Cette recommandation narcissique, très partagée aujourd'hui, nous rend-telle vraiment heureux ? Le décentrage de soi, pour tendre la main à l'autre, n'est-il pas au contraire un bon objectif pour se sentir mieux ?
- Ce sont ces questions fondamentales que posent Patrick Tudoret dans dans son dernier ouvrage, sorti chez Taillandier, il y a quelques jours : Petit traité de bénévolence.
- L'auteur y sort d'un injuste oubli le concept de "bénévolence, qui signifie étymologiquement "vouloir du bien". Il distingue bien cette idée de ses cousines : l'empathie, la fraternité, la gentillesse, l'altruisme, l'amitié... plus condescendantes, moins humbles. Avec la bénévolence, Patrick Tudoret dénonce notre ricanement impuissant, les fameuses passions tristes de Spinoza (jalousie, haine, envie) mais aussi les bons sentiments, la compassion émotionnelle qui ne portent pas de fruits. La bénévolence - bienveillance en acte - n'est pas passive. "Comme pour l'amour dont elle est une des formes, il n'y a pas de bénévolence, mais seulement des preuves de bénévolence". Elle est résistance au découragement, à la désespérance, à la résignation.
- La bénévolence va " regarder les choses et les êtres en leur accordant de l'importance", reconnaître à l'autre qu'il a une valeur propre et qu'il ne saurait être réduit à un moyen qui m'est utile. La bénévolence c'est : "une attention, une marque de considération à quelqu'un pour luire donner confiance, lui rendre sa dignité perdue, lui faire entendre qu'il existe au moins autant que nous". Le bonheur réside dans cette relation harmonieuse aux autres.
- La bénévolence n'est pas complaisante mais au contraire "préfère toujours une vérité qui blesse à un mensonge qui plaît". L'auteur n'aime pas les travers de notre post-modernité qui prétend individualiser les consciences sans aucune référence à une éthique qui nous transcende. Ce nihilisme aplanit toute valeur. Quand tout se vaut, plus rien n'a de sens. L'indifférenciation conduit à l'indifférence. La bénévolence au contraire n'est pas relativiste. Elle sait où se trouve le bien et le mal.
- La bénévolence borne notre liberté, nous oblige à un travail sur soi "qui se nourrit d'intégrité, de fidélité à la parole donnée, de droiture". Pas de bénévolence intermittente, sous forme de "poussées hormonales". La bénévolence s'inscrit dans le temps long, dans le développement durable.
- Patrick Tudoret adopte - et pratique - (ceux qui le connaissent peuvent en témoigner) la devise de Proust selon laquelle "la bonté est le comble de l'intelligence".
Commentaires
Enregistrer un commentaire