Article paru dans la revue Géoéconomie n°67, décembre 2013
La mondialisation a fortement accentué la concurrence entre pays. Cette course à la compétitivité ne concerne plus seulement les entreprises. Les économies les plus fortes sont celles
qui possèdent un secteur privé à forte productivité fabriquant des biens et services de qualité à un prix attractif, mais celles aussi qui s’appuient sur un secteur public offrant aux usages-contribuables le meilleur rapport qualité-prix.
C’est pourquoi, tous les pays, qu’ils aient une économie avancée ou seulement émergente, cherchent des solutions permettant de réduire les dépenses publiques, sans remettre en cause la qualité des services publics.
La communauté mondiale des Institutions supérieures de contrôle (ISC)
L’argent public est-il dépensé de manière efficace, répond-il aux objectifs, est-il correctement ciblé ? Peut-on améliorer l’action sans crédit budgétaire supplémentaire, par une meilleure organisation et répartition des moyens ? Pour répondre à ces questions, les gouvernements et parlements des différents États s’appuient sur les plus hautes autorités de contrôle et d’audit des finances publiques : Institutions supérieures de contrôle des finances publiques (ISC), ou Supreme Audit Institutions (SAI) ; telles que la Cour des comptes en France, le National Audit Office au Royaume-Uni, la Bundesrechnunghof en Allemagne, la Tribunal de Cuentas en Espagne, le Government Accoutability Office (GAO) aux États-Unis, l’Office national d’Audit en Chine, le Board of Audit au Japon, le Tribunal de Contas da União au Brésil, le Comptroller and Auditor General en Inde, etc.
Ces institutions sont regroupées au sein de l’Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques (INTOSAI). Créée en 1953, cette ONG autonome dotée d’un statut spécial auprès du Comité économique et social (ECOSOC) des Nations unies rassemble 190 membres « pour le transfert des connaissances et la multiplication des connaissances afin d’améliorer à l’échelle internationale le contrôle externe des finances publiques ».
Les institutions supérieures de contrôle sont également regroupées au niveau régional : OLACEFS pour le monde latino-américain, AFROSAI pour l’Afrique, ARABOSAI pour les pays arabes, ASOSAI pour les pays asiatiques, PASAI dans l’Océan Pacifique et CAROSAI dans la zone Caraïbes. À l’échelon européen, on trouve ainsi l’Organisation européenne des institutions supérieures de contrôle des finances publiques (EUROSAI), l’Organisation européenne des institutions régionales de contrôle des finances publiques
(EURORAI) et le Comité de contact européen. Il faut noter également une association francophone de 40 membres : l’Association des institutions supérieures de contrôle ayant en commun l’usage du français (AISCCUF) soutenue par l’Organisation internationale de
la Francophonie.
Les institutions supérieures de contrôle ont aujourd’hui pour objectif de faire passer progressivement les organismes publics qu’elles auditent, d’une logique de moyens à une logique de résultats. Les États ne sont pas tous dans la même situation à cet égard entre les États émergents dont la part de dépenses publiques dans le PIB est encore faible (15 % en Inde, 23 % en Turquie et 26 % au Brésil1), et les pays développés qui ont lancé, à partir des années 1980, des réformes radicales sur leurs services publics autour du New Public Management (Royaume-Uni, États-Unis, Nouvelle-Zélande, Australie), suivis plus tard par les pays scandinaves (1988), les Pays-Bas (1991) et le Canada (1994). Certains États développés ont récemment pris conscience de la contrainte qui s’exerce désormais sur l’efficacité et le niveau de leur dépense publique, tels que le Japon (1996), l’Allemagne (programme Moderner Staat de 1999 et Harz en 2003-2005), ainsi que la France, l’Italie et l’Espagne (depuis la crise économique de 2008).
L’art difficile de la maîtrise des dépenses publiques
Lorsqu’un État entreprend le redressement de ses comptes publics, la hausse des recettes atteint rapidement ses limites. Le niveau de prélèvements obligatoires joue sur la concurrence économique avec les autres pays, et perd même tout intérêt lorsqu’il atteint le seuil paradoxal au-delà duquel les hausses d’impôts se traduisent par une diminution des recettes fiscales.
Les États souhaitant améliorer le rapport coût-efficacité de leurs services publics sont rapidement amenés à rechercher des solutions du côté de la réduction des dépenses publiques. Une étude sur les stratégies de consolidation menées au sein des 21 pays de l’OCDE au cours des 40 dernières années (107 ajustements) montre que les 18 stratégies dites « réussies », c’est-à-dire ayant abouti à une réduction du ratio dettes/PIB supérieures à 4,5 points en trois ans, ont consisté en deux tiers de dépenses en moins et un tiers de recettes en plus2. Il devient alors nécessaire d'effectuer un travail d'évaluation et d'audit afin de s'assurer que les réductions de dépenses publiques s’effectuent selon les priorités explicites décidées par les dirigeants politiques, sans dégrader le service rendu aux citoyens ni recourir à la solution de facilité d’un rabot indifférencié et injuste sur toutes les dépenses. En France, notre déficit de compétitivité et nos engagements européens nous obligent à changer d’échelle par rapport à nos tentatives antérieures de rationalisation des choix budgétaires. L’objectif annoncé d’un retour en 2017 à l’équilibre structurel (c'est-à-dire hors aléa de conjoncture), constitue le plus grand effort budgétaire depuis 30 ans, (28 milliards d’euros de réduction de dépenses sur les années 2014-2015 contre 15 milliards dans la période 2009-2013 de Révision générale des politiques publiques - RGPP).
A l’inverse du passage en revue des charges dans une entreprise (cost killing), la sélection des dépenses publiques à supprimer est par nature complexe puisqu’elle ne peut pas s’appuyer sur les notions simples et arithmétiques de profitabilité ou de retour sur investissement. Les actions publiques inefficaces, inefficientes, ou peu pertinentes ne peuvent se déduire que de leur utilité sociale insuffisante par rapport à leur coût, ou de l’existence d’organismes publics comparables, en France comme à l’étranger, faisant mieux pour moins cher.
Pour établir le ratio coût/utilité sociale, il est souvent nécessaire de réaliser des études approfondies fondées sur des enquêtes de terrain (recherche des gains de productivité par la dématérialisation, sondage de satisfaction des bénéficiaires, comparaisons internationales, etc.).
Cette complexité est renforcée en France en raison :
- du nombre toujours croissant d’acteurs, chargés de mettre en oeuvre les politiques publiques (État central, État décentralisé, établissements publics, collectivités locales, Sécurité sociale, secteur associatif, organisations professionnelles, etc.) ;
- de l’absence d’outils d’évaluation préalable qui seraient mis en place, comme dans d’autres pays, au moment du lancement d’une politique publique nouvelle. Les lois françaises ne prévoient presque jamais de consacrer une fraction suffisante de chaque dépense nouvelle dans son évaluation. La TVA réduite en faveur de la restauration, dont le coût annuel est de plus de 3 milliards d’euros, a ainsi été mise en place sans évaluation préalable ;
- de la sédimentation des différents dispositifs, créés pour répondre à une demande sociale ponctuelle, sans mise en cohérence ni suppression des dispositifs antérieurs. Rien que pour les dispositifs financés par l’État, il y a 1 300 dispositifs d’intervention, 500 dispositifs de dépenses fiscales et 180 niches sociales.
La prise de conscience de l’urgence d’agir pour mieux maîtriser la dépense publique est désormais acquise en France. Les assemblées du Parlement consacrent une semaine sur quatre de leur ordre du jour aux missions de contrôle et d’évaluation. À l’échelon gouvernemental, la mise en place du Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, placé auprès du Premier ministre, a pour objectif de passer en revue toutes les politiques publiques avant 2017. D’autres acteurs gouvernementaux s’engagent dans cette démarche : les inspections générales interministérielles, le Conseil général de l’environnement et du développement durable, le Haut conseil de la santé publique, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective. Les collectivités territoriales cherchent également à évaluer la pertinence de leurs dépenses, soit indirectement, en faisant appel à des cabinets de consultants, soit directement, en mettant en place des services dotés du niveau d’expertise nécessaire.
Les juridictions financières françaises (Cour des comptes, chambres régionales des comptes) sont prêtes, comme le font les autres institutions supérieures de contrôle dans le monde, à apporter leur indépendance et expertise à cet effort sans précédent d’audit et d’évaluation des dépenses publiques auquel est contraint notre pays. C’est la nature même de leur métier d’institutions indépendantes chargées de veiller au bon usage des deniers publics, et à l’exactitude des comptes publics depuis le XIIème siècle, qu’elles existent sous une forme ou une autre. Le contrôle de la dépense publique est un garant de la démocratie comme le rappelle l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui dispose que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».
Juridictions financières françaises et optimisation des dépenses publiques
Les juridictions financières regroupent la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes qui sont très proches dans leur fonctionnement et exercent des missions complémentaires. En matière de réduction des dépenses publiques, la Cour des comptes a pour vocation de se pencher sur les politiques et organismes ayant pour champ d’intervention tout le territoire tandis que les chambres régionales des comptes interviennent au niveau local.
Les missions de la Cour des comptes sont définies par l’article 47-2 de la Constitution : « La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l’information des citoyens.»
Les chambres régionales des comptes, créées en 1983, ont un rôle éminent à jouer pour aider les gestionnaires publics à mieux utiliser des ressources qui sont aujourd’hui de plus en plus rare avec le développement de la décentralisation, les transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales, et la crise des finances publiques. Elles réalisent ainsi des évaluations de plus en plus complexes des politiques locales comme les emprunts toxiques, la gestion de l’eau ou le traitement des déchets ménagers par exemple.
La Cour de discipline budgétaire et financière, le Conseil des prélèvements obligatoires et le Haut Conseil des finances publiques sont des institutions indépendantes associées à la Cour des comptes, qui exercent également des missions fondamentales dans la conduite des finances publiques, en matière de transparence et de
responsabilité.
Selon une distinction classique reprise par les normes internationales d’audit (privé comme public), les institutions supérieures de contrôle réalisent trois types de missions : audits de
conformité, de performance et financier. Les trois catégories d’audit public des normes internationales ne figurent pas sous cette forme dans le droit national français, c’est-à-dire dans le code des juridictions financière. Souvent plus anciennes que les normes internationales, les missions des juridictions financières se déclinent selon d’autres terminologies qui peuvent toutefois se rattacher à ces trois types d'audit.
C’est principalement l’audit de performance qui a pour objet
la recherche des gains d’efficience et d’efficacité dans la dépense
publique. Néanmoins, pratiquées par les mêmes personnes, les
différentes missions ne sont pas étanches et se nourrissent les unes
des autres.
L'audit de conformité
L’audit de conformité (compliance en anglais), appelé aussi « audit de régularité », consiste pour les auditeurs à déterminer si les activités sont conduites dans le respect des règles applicables. Les juridictions financières françaises contrôlent le respect du droit lors de chacune de leurs missions mais certaines d’entre elles y sont principalement
dédiées. On peut rattacher à cette catégorie, l’activité de jugement des comptes produits par les comptables publics qui permet de vérifier la régularité des opérations de recettes et de dépenses. Par un arrêt, les juridictions financières donnent décharge au comptable ou engagent sa responsabilité pécuniaire. Elles peuvent aussi signaler aux autorités administratives ou judiciaires concernées des irrégularités commises par les gestionnaires.
La Cour des comptes exerce également le contrôle du respect du droit budgétaire. Dans le cadre de cette mission, le rapport annuel relatif aux résultats de l’exercice antérieur et à la gestion du budget et le rapport sur les mouvements de crédits du Gouvernement qui doivent être ratifiés par la plus prochaine loi de finances sont garants du respect, par les ministres, de l’autorisation budgétaire (loi de finance) votée par les deux assemblées. Le rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale participe à la connaissance précise de la situation financière de l’ensemble des branches au regard de la loi de financement de la sécurité sociale et le rapport sur la situation des finances publiques contribue au débat d’orientation budgétaire organisé chaque année avant l’été.
Les chambres régionales des comptes exercent aussi un contrôle budgétaire des collectivités ou établissements publics locaux lorsqu'un budget n'a pas été voté dans les délais légaux ou en équilibre réel ou omet une dépense obligatoire ou lorsqu'un déficit significatif apparaît à la clôture de l'exercice.
L’Audit financier, qui existe aussi dans les entreprises sous la forme exercée par les commissaires aux comptes, cherche à déterminer si les états financiers donnent une image fidèle (rendant compte de la réalité) et sincère (application de bonne foi des règles) de la situation financière. L’audit financier est aussi un audit de conformité aux règles comptables. Depuis 2006, la Cour des comptes française est chargée de cette mission pour les comptes de l’État et ceux des organismes du régime général de la Sécurité sociale.
Cette évolution a été permise par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 qui souhaitait mieux identifier les politiques publiques mais aussi rendre plus visible les moyens affectés. La mise en place d’une comptabilité générale en droits constatés établie et contrôlée selon des normes comptables applicables aux entreprises, sous réserve des spécificités liées à l’action publique, constitue en effet une préparation indispensable à l’audit de performance. Une comptabilité générale fiable est un préalable à une identification précise, via la comptabilité analytique, des coûts de chaque action publique et donc au repérage des dispositifs trop coûteux par rapport à leur utilité sociale.
C’est pourquoi, les missions d’audit financier des juridictions financières sont appelées à s’étendre avec la certification des principaux établissements publics de santé, décidée par le législateur en 2009, et l’extension de la certification des comptes aux collectivités territoriales envisagée par le projet de loi de décentralisation, présenté par le Gouvernement.
L’Audit de performance consiste à déterminer si l’action publique est conduite avec économie, efficience et efficacité. C’est précisément ce type d’audit qui a vocation à faire les propositions de réduction des dépenses publiques.
A l’audit de performance, dans sa définition internationale, peuvent être rattachées deux missions confiées par le droit national aux juridictions financières françaises.
La première de ces missions est le contrôle du bon emploi des fonds publics définie à l’article L. 111-3 du Code des juridictions financières. Il s’exerce sur toutes les « personnes morales de droit public » et sur les organismes privés, qui reçoivent des fonds publics. Cet examen de la gestion porte sur la qualité et la régularité, sur l’efficience et sur l’efficacité des actions menées au regard des objectifs fixés par les pouvoirs publics ou l’organisme concerné.
La deuxième de ces missions est l’évaluation des politiques publiques
Incluant une prise de hauteur – une vison plus « macro » - par rapport au contrôle de la gestion, l’évaluation prend pour objet l’ensemble d’une politique publique et plus seulement un de ses volets ou un des organismes chargés de sa mise en œuvre. Bien qu’il n’existe pas encore de définition internationale officielle de l’évaluation - les institutions supérieures de contrôle ignorent le plus souvent ce concept, hormis certaines, très avancées sur ce sujet, tel que le GAO aux Etats-Unis - on peut considérer qu’elle se rattache à l’audit de performance. En 2012, cinq évaluations ont été publiées : l’assurance-vie, les biocarburants, les relations entre l’administration fiscale et les usagers, la sécurité des navires et la lutte contre le tabagisme. La Cour des comptes pilote un groupe de travail de l’INTOSAI qui réfléchit à l’élaboration de critères communs pour cette discipline, en fixant ses contours et la méthodologie à employer.
Cette mission d’évaluation des politiques publiques, introduite en France en 2008 (art. 47-2 de la Constitution) est confiée au Parlement, avec l’assistance possible de la Cour des comptes. L’Assemblée nationale depuis 2011, commande chaque année deux évaluations à la Cour des comptes afin de préparer les travaux législatifs.
Qu’elles prennent la forme du contrôle du bon emploi de fonds publics ou de l’évaluation à proprement parlé, les missions d’audit de performance des institutions supérieures de contrôle jouent un rôle clef dans la maîtrise des finances publiques. La plus-value de leurs travaux par rapport aux autres organismes publics ou sous-traitants privés réalisant ce type d’audit est à la fois leur spectre d’intervention, leur indépendance et leur souci de présenter des recommandations tant audacieuses que réalistes.
Seules les juridictions financières couvrent le spectre complet de la dépense publique : Etat, collectivités locales et sécurité sociale. Les politiques menées impliquant de plus en plus tout ou partie de ces trois acteurs (par exemple la formation professionnelle), cette synergie des contrôles devient indispensable pour analyser leur efficacité.
L’indépendance des juridictions financières françaises par rapport au pouvoir législatif et au pouvoir exécutif est garantie par leur statut de juridiction administrative, par la Constitution (décision du Conseil constitutionnel 2001-448 DC du 25 juillet 2001), par la libre fixation de leur programme annuel de vérifications, sous réserve des travaux demandés par le Parlement, par la contradiction (droit d’audition et droit de réponse) et par la collégialité des décisions.
Dans leurs missions, les juridictions financières n’énoncent pas seulement des critiques, elles présentent aussi des recommandations qui prennent la forme pour la Cour soit de « communications administratives » adressées au ministère ou à l’organisme contrôlé soit, pour ses observations les plus significatives et les enjeux les plus importants de rapports publics : le rapport annuel, solennellement remis au Parlement en même temps qu’au Président de la République et quatre à six rapports thématiques.
Les juridictions financières ont à cœur de proposer des réformes ambitieuses mais néanmoins applicables. La connaissance de l’administration par les 700 personnels de la Cour et les 1 100 magistrats et personnels des chambres régionales des comptes n’est pas celle d’un observateur extérieur théorique coupé des contraintes concrètes d’applicabilité des recommandations. Leur effort constant de professionnalisation et d’acquisition de techniques et de savoir-faire nouveaux, en tant qu’auditeur, se double de l’exercice direct de fonctions de gestionnaires. En effet, marqués par une grande diversité du recrutement, ils ont pratiqué précédemment ou pratiquent par alternance des fonctions de gestion dans l’administration et les entreprises.
Ces travaux amènent les juridictions financières à présenter des observations proposant des remises en question profondes de nos modèles et réflexes en matière de dépenses publiques. S’ils ne débouchent pas toujours immédiatement sur des prises de décisions des autorités politiques, ils permettent de faire émerger des consensus sur des évolutions possibles.
Ainsi, la Cour a publié un rapport thématique sur la gestion des enseignants mettant en exergue l’absence de corrélation entre l’effort budgétaire consacré à l’éducation nationale et les résultats de cette politique (niveau des élèves. attractivité du métier d’enseignants) et démontrant que le levier des effectifs est peu opérant pour améliorer la performance du système scolaire et la qualité du service rendu.
Dans le dernier rapport public annuel, la Cour des comptes relève le travers des effets d’aubaine qui font manquer sa cible à l’objectif d’intérêt général initialement prévu. Ainsi en est-il des aides publiques à la presse qui apportent davantage d’aide à des magazines de programmes télé rentables qu’à de nombreux journaux d’information qui, pourtant, concourent réellement à la pluralité d’expression des opinions et sont en plus grande difficulté financière. Les niches fiscales et sociales (71 Md€ de moindre recette en 2012) peuvent passer également à côté des objectifs visés. Certaines niches en faveur de l’investissement en outre-mer, au lieu de répondre à l’intérêt économique des territoires d’outre-mer, incitent à des investissements sous-utilisés (hôtellerie, bateaux de plaisance)
Le mouvement d’harmonisation internationale des méthodes de travail par la diffusion des normes
Un des enjeux majeurs pour les institutions supérieures de contrôle est l’harmonisation internationale des normes. La sphère financière publique tend à se normaliser à travers le monde à la suite du mouvement comparable qu’ont connu les sciences comptables et financières dans le secteur privé ces trente dernières années. Cette évolution est très structurante sur le long terme et influe durablement l’angle de vision et les méthodes de travail, comme on a pu le constater chez les auditeurs privés, internes et externes, dont les différences d’activité et de préoccupations à travers le monde se réduisent aujourd’hui à peu de choses.
Dans la sphère publique, la normalisation s’étend à la fois dans le domaine du droit comptable applicable et dans les méthodes d’audit.
En ce qui concerne les méthodes d’audit, l’INTOSAI élabore des normes visant à faciliter le contrôle par les institutions supérieures de contrôle du bon usage des dépenses publiques : les ISSAI (International Standards of Supreme Audit Institutions) qui transposent les normes privées ISA. Ces normes établissent à la fois les principes fondamentaux des contrôles et les directives applicables à chaque type d’audit. Les juridictions financières françaises ont fait le choix d’adopter les normes internationales d’audit sous réserve de leur adaptation à notre cadre législatif et réglementaire. La mise en place de normes professionnelles d’audit est un chantier majeur pour les juridictions financières puisque ces règles méthodologiques harmonisées pour chacune des missions ont vocation à être opposables aux tiers, donc transparentes pour les contrôlés. Les administrations s’orientent dans la même direction en matière d’audit interne en s’inspirant largement des normes d’audit interne et de contrôle interne développées par l’association internationale IIA (Institute for Internal Auditors).
En ce qui concerne le droit comptable applicable, l’International Public Sector Accouting Standards (IPSAS) Board dépendant de l’International Federation of Accoutants (IFAC), est chargé de la normalisation comptable publique au niveau international et poursuit l’objectif d’ancrer les entités publiques dans les pratiques de comptabilité d’entreprise, en cherchant à adapter au secteur public les normes comptables privés dites « IFRS ». L’harmonisation mondiale, ou même simplement européenne, est cependant loin d’être réalisée, les Etats appliquant soit directement les normes IFRS, soit les normes IPSAS, soit des normes ad hoc (cas de la France qui utilise des normes spécifiques, différentes selon le secteur public concerné -Etat, collectivités territoriales, organismes de sécurité sociale); soit des normes purement publiques adaptées au choix d’une comptabilité de caisse (ce qui fut longtemps le cas de la France et reste encore aujourd’hui le cas de l’Allemagne).
A la condition que les normes soient réellement adaptées aux objectifs et aux praticiens du secteur public non marchand, la France soutient le principe d’une harmonisation européenne puis mondiale des normes de comptabilité et d’audit publics. Les juridictions financières françaises s’efforcent de peser sur ces normes internationales en s’appuyant sur leur double compétence dans ce domaine. Elles cumulent en effet une fine connaissance des attentes du secteur public en raison des nombreux contrôles qu’elles réalisent en France et une réelle expertise sur les normes internationales en raison de l’application qu’elles en font dans leur mission d’audit financier des organisations internationales. Le Premier président de la Cour des comptes est en effet actuellement le commissaire aux comptes de neuf organisations internationales, parmi lesquelles l'UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture), l'OIF (Organisation internationale de la francophonie), l'OMC (Organisation mondiale du commerce), l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), le Conseil de l’Europe et la CPI (Cour pénale internationale).
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Avec un déficit se rapprochant de 4% du produit intérieur brut (PIB), un total des recettes publiques ayant en 2012 atteint 51,5 % du PIB, aucun budget voté à l’équilibre depuis 1980 (aboutissant à une dette publique multipliée par quatre au cours de cette période et faisant de la France le premier emprunteur de la zone euro) et des prélèvements obligatoires atteignant 46,3% du PIB (contre 42% en 2009), la France est contrainte de se tourner résolument vers la réduction de la dépense publique. Cet exercice n’est pas seulement politiquement difficile. Il est également techniquement complexe et nécessite l’appui d’auditeurs publics compétents.
Les auditeurs internes des administrations publiques ont à jouer un rôle clef grâce à leur connaissance interne des services. Les exemples internationaux montrent qu’est tout aussi primordial l’apport d’institutions supérieures de contrôle indépendantes, s’appuyant sur des normes internationales éprouvées et pouvant examiner la globalité des politiques sans s’arrêter aux frontières administratives.
Résumé
Plus de 190 pays dans le monde possède une autorité suprême d’audit de ses finances publiques. Ces institutions supérieures de contrôles (ISC) comptent, parmi leurs principales missions, la réalisation d’audits de performance qui aboutissent à la publication de recommandations pour améliorer la qualité et maîtriser le coût des dépenses publiques. Les juridictions financières françaises, Cour des comptes et Chambres régionales des comptes, accomplissent en France cette mission, en s’appuyant sur leur indépendance et sur les normes internationales d’audit.
Abstract
More than 190 countries in the world have a superior audit authority charged with conducting financial audits of public bodies. These Supreme Audit
institutions (SAI) are in charge, among their main missions, of the realization of audits of performance which end in the publication of recommendations to improve the quality and control the cost of the public spending. The French financial jurisdictions, the Court of Auditors and the regional audit courts,
carry out in France this mission, supported by their independence and on the nternational standards of audit.
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